M. Delatre d'Envermeu, écrit au même journal :
"Mercredi 5 juin, à neuf heures et demie du soir, un bolide ou aérolithe a traversé l'atmosphère du sud-est au nord-ouest en passant au-dessus du bourg d'Envermeu. Ce bolide, qui éclairait la campagne d'une vive lumière, par- courait une ligne formant un angle de 75 degrés avec l'horizon ; sa vitesse, augmentant visiblement d'instant en ins- tant, était évidemment produite par l'action attractive de la terre. L'électricité n'était pour rien dans ce magnifique phénomène, car la vitesse de l'électricité est uniforme, et elle est plus grande que celle de la lumière solaire, un météore électrique aurait disparu avec la rapidité de l'éclair, tandis que le bolide de mercredi a mis quarante secondes à passer du point de l'horizon où il a commencé à être visible au point opposé où il a disparu, cet intervalle de temps a permis de l'observer parfaitement. Dans sa marche, ce corps se rapprochait de plus en plus de la région des nuages et il devait bientôt rencontrer la surface du sol, on pouvait calculer que sa chute aurait lieu à quelques kilomètres de distance.
Le bolide paraissait sphérique, il était incandescent, son centre projetait une lumière blanche très vive, et sa surface une lumière rouge cerise avec des points bleuâtres. La lumière blanche du centre augmentait d'intensité proportionnellement à l'accroissement de vitesse, on voyait que le noyau central du bolide, mis en fusion par la chaleur toujours croissante, devait se vaporiser et faire explosion, si la course se prolongeait encore. C'est ce qui a eu lieu en effet quelques instants après avoir cessé d'être visible pour Envermeu, une détonation semblable à celle d'une pièce d'artillerie s'est fait entendre dans la direction du nord- ouest. Après cette détonation la chute des fragments du bolide a dû s'opérer, soit sur la côte, soit dans la mer. On sait que les bolides ou aérolithes sont de petites masses qui circulent dans l'espace. Quand une de ces masses s'engage dans l'atmosphère de notre globe, la rapidité de sa marche et la résistance de l'air produisent un frottement qui échauffe le bolide au point de le rendre incandescent et lumineux. Si le bolide se trouve dans les couches les plus élevées de l'atmosphère et qu'il s'en dégage sur un point peu éloigné de son lieu d'immersion, il en résulte le phénomène connu sous le nom d'étoile filante. Si, au contraire, le bolide pénètre dans l'atmosphère en suivant une ligne dont le prolongement vient former un angle plus ou moins grand avec la surface du globe, il faut que ce bolide rencontre cette surface et s'y arrête, c'est ce qui est arrivé à celui du 5 juin. Tous les bolides tombés sur la terre dont on a fait l'analyse chimique ont été trouvés formés de fer et de nickel"
Envermeu mercredi 5 juin 1850